Nuances- Misk
Arthur Rimbaud et Paul verlaine
De l’éclat tout d’abord...
Et pour cela
j’invente toute lumière
Plus imperceptible
de l’air
Sans jamais sentir de remord
Il faux aussi
distinguer quelques fois
Choisir entre les
plus vagues nuances
Rien que
pour varier les brillances
A chaque heure,
mes amis, son émoi
Quels clignotants yeux qui se ferment
Et s’ouvrent encore
tremblant de désire
A chaque rayon
son jour de martyr
Comme à chaque souffrance son terme !
Car nous lisons
dans les teintes
Un alphabet à
apprendre comme un langage
O cette langue
secrète dont l’apprentissage !
Soulève le cœur de
toute étreinte
Lumière, rayons qui t’emportent…
Et le temps qui
afflige tout châtiment
Que d’éclats
perdent leurs scintillements
Ne veux- tu pas
demeurer une lettre morte ?
Arrose tes lunes
d’obscures gouttes
Laisse-les
reposer pour reprendre à voir
Les nuances qu’on
n’a pas pu apercevoir
Toute certitude
aime qu’on y doute…
Qui parlera de
cet art de clarté ?
Quel artiste
aveugle composera des couleurs ?
Pour nos pauvres
yeux pleins de langueur
Chaque salut à sa
voie lactée
Que d’obscurité
chassée, incessamment
En creusant des
puits de lumières
Clignoter de joie
c’est écrire des vers
D’amour nuancé comme un amant
Art poétique-
Verlaine
De la musique
avant toute chose,
Et pour cela
préfère l'Impair
Plus vague et
plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui
qui pèse ou qui pose.
Il faut aussi que
tu n'ailles point
Choisir tes mots
sans quelque méprise :
Rien de plus cher
que la chanson grise
Où l'Indécis au
Précis se joint.
C'est des beaux
yeux derrière des voiles,
C'est le grand
jour tremblant de midi,
C'est, par un
ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis
des claires étoiles !
Car nous voulons
la Nuance encor,
Pas la Couleur,
rien que la nuance !
Oh ! la nuance
seule fiance
Le rêve au rêve
et la flûte au cor !
Fuis du plus loin
la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et
le Rire impur,
Qui font pleurer
les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail
de basse cuisine !
Prends
l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en
train d'énergie,
De rendre un peu
la Rime assagie.
Si l'on n'y
veille, elle ira jusqu'où ?
O qui dira les
torts de la Rime ?
Quel enfant sourd
ou quel nègre fou
Nous a forgé ce
bijou d'un sou
Qui sonne creux
et faux sous la lime ?
De la musique
encore et toujours !
Que ton vers soit
la chose envolée
Qu'on sent qui
fuit d'une âme en allée
Vers d'autres
cieux à d'autres amours.
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